extraits des propos recueillis par Alain Douce dans Spéléo Magazine n°41
(…); Des sapeurs-pompiers spécialisés, professionnels et volontaires, participent depuis longtemps aux secours souterrains. Qu’ils soient équipiers, chefs d’équipes, artificiers ou plongeurs spécialisés, tous bénéficient non seulement d’une formation très poussée mais aussi d’une pratique régulière. Leur compétence ne saurait être contestée. De nombreux spéléologues, notamment au sein du Spéléo Secours Français (SSF), avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, pourront en témoigner.
… Pour conjuguer ses études avec ses envies souterraines, France fait sa thèse de médecine avec Olivier Kergomard sur la médicalisation des secours en milieu souterrain et les modifications biologiques à l’effort en spéléologie. (…) On s’est aperçu, comme nous le pensions, que la spéléologie est un sport de fond au même titre que l’alpinisme ou le ski de randonnée. Déshydratation, accumulation d’acide lactique, etc. ».
Pour ce qui est du volet de la médicalisation des secours, nos deux futurs médecins préconisent, afin de les améliorer, l’envoi de médecins auprès des blessés sur les lieux même des accidents. Ils effectuent un gros battage médiatique au sein du CHU de Grenoble, et accumulent les balades souterraines pour les étudiants. À cette période, pas un seul médecin anesthésiste en devenir ne pouvait se réclamer vierge de baptême souterrain. Des liens se tissent alors entre SAMU, médecins anesthésistes et spéléos secours. Des stages se mettent en place, et depuis, chaque année, des sorties sont organisées pour former les filles et fils d’Hypocrate aux spécificités de la spéléo.
Si les secours sont une part importante de la vie de France Rocourt (on y reviendra), ce sont les explorations qui la font réellement vibrer. Après la traversée Thérèse-Guiers Mort et l’escalade (110 m) du puits du Lac dans le réseau de la Dent de Crolles, France explore le fond du Gouffre Berger, retourne à la Dent de Crolles, où avec son futur mari, Jean-Louis Rocourt, ils réalisent 800 mètres d’escalades, permettant ainsi la jonction avec la grotte Chevaline. Une jonction attendue depuis 30 ans. Il y eut également le trou des Flammes à l’Aulp du Seuil (cf. Spéléo 40), et aujourd’hui encore, ce sont sur ces secteurs de Chartreuse que France et ses ami(e) s continuent leurs recherches…
(…) Depuis sept ans, notre médecin favori est responsable d’un diplôme universitaire de médecine et secours en montagne. Un diplôme qui existe également à Toulouse et à Paris, et qui forme des médecins de montagne, d’expéditions et de secours en montagne. France forme chaque année une trentaine de médecins. Il y a bien sûr des cours théoriques mais également pratiques, qui prennent en compte les secours souterrains. L’année prochaine, ce diplôme universitaire se transformera en diplôme inter-universitaire de deux ans, avec six modules, dont un dédié à la spéléologie et au canyoning. (…)
Actuellement en France ont lieu une quarantaine de secours par an, et depuis 25 ans la fédération est très active sur ce plan, au niveau des formations, des études, des thèses, etc. Le problème est qu’avec la remise à plat des secours (pas seulement spéléo) les pompiers cherchent à faire main basse sur tous les secteurs. » Les secours spéléos sont tellement spécifiques, nous explique notre toubib, qu’il me paraît totalement inutile d’aller former des professionnels pour ça, alors qu’il y a ce qu’il faut au niveau de la fédération française de spéléologie, avec les compétences et la connaissance minutieuse des réseaux.
« Même si l’on forme X pompiers, ils n’auront jamais cette connaissance du terrain, et de plus ça coûterait la peau du cul à la société. Aujourd’hui les responsables des spéléos secours sont dans des discussions très houleuses et difficiles avec la direction de la sécurité civile. Les pompiers, quant à eux veulent tout récupérer, tout monopoliser, alors qu’il n’en ont pas les compétences techniques. Il faut bien savoir que tant que les secours seront efficaces, il y aura préservé la liberté d’accès aux cavités. »(…/…)
« Si la situation est conflictuelle au niveau national, les données changent en fonction des départements. (…)»
« En Isère, nous avons d’excellentes relations avec les pompiers, la préfecture, les CRS, et le PGHM. La collaboration est excellente. Nous avons eu des secours extrêmement difficiles, où tout le monde a compris que l’on ne s’improvisait pas spéléo secours même si l’on effectuait une trentaine de sorties dans l’année. J’ose espérer que nos gouvernements ont compris un certain nombre de messages.»
« Je ne sais pas pourquoi, alors que les sapeurs pompiers ont déjà de quoi s’occuper 24 heures sur 24, qu’ils ont déjà des tonnes de missions difficiles, ils veulent encore, à tout prix faire du secours spéléo, alors qu’il y a déjà des gens compétents pour le faire à leur place ? C’est les mêmes velléités en montagne. À la limite tout regrouper sous un seul ministère de la sécurité publique, pourquoi pas, mais vouloir picorer sur un tas de petit truc… L’on ne s’improvise pas sauveteur en montagne, sauveteur en spéléo, si l’on a pas un certain nombre d’années de pratique derrière. »
Médiatiquement parlant, les secours spéléo sont attractifs pour les chasseurs d’audimat. Par contre, est-ce la présence des caméras ou l’attrait des vacations qui font se déplacer en surnombre nos chers héros aux camions rouges ?
« Systématiquement sur les secours spéléos, il y a toujours trop de pompiers, trop de moyens, et ça coûte cher à la société. Ce n’est pas pour rien que dans certains départements où la situation et conflictuelle avec les pompiers, il y a des consignes qui circulent sous le coude, où en cas de secours, c’est motus et bouche cousue, on se débrouille, personne n’en entend parler, et si c’est une jambe cassée, nous sortons notre client et tout se passe très bien. »
« C’est vrai, le secours des Vitarelles (Spéléo 33 et 36) a bouffé le budget du SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours) pour l’année. C’est plusieurs millions de francs. Néanmoins c’est un secours exceptionnel, le prochain comme celui-ci se déroulera peut être dans 50 ans ? En 1996, le secours au gouffre Berger, où il y a eu 150 spéléos bénévoles engagés tous les jours durant une semaine, n’a coûté que 60 000 francs. Cherchez l’erreur ! »(…/…)
Tous ces problèmes, ces tensions, font peut-être perdre de vue le but premier des secours : secourir.
France Rocourt nous le précise, :
» aujourd’hui, si les spéléos secours se font expulser par les pompiers, certains pompiers compétents vont se voir évincer par les spéléos par simple vengeance ou retour des choses. Il est primordial de trouver un accord sein et constructif, non monopoliste.»
L’autre problématique qui secoue actuellement le milieu des sports dit à risque, c’est la loi qui rend payant les secours. Si le principe de gratuité des secours, instauré Napoléon, commença à être égratigné par la mise en place des secours payants sur les pistes des stations de ski, c’est l’ensemble des pratiques sportives de plein air qui aujourd’hui est visée (la loi est passée, mais pas encore le décret d’application).
«Moi honnêtement, je ne suis pas hostile à assumer le risque que j’impose à la société, mais dans ce cas-là, il faut aller beaucoup plus loin. L’alcoolique qui se faire sa cirrhose, l’alcoolo qui au volant tue toute une petite famille, ou le mec qui bouffe comme quatre et qui se bouche les artères, eux n’ont aucun problème, c’est considéré comme normal. Ils vont coûter un maximum à la société, et ils ne vont pas débourser plus que toi ou moi (cf. spéléo 39). Alors que nous spéléologues, on a tous en général une très bonne santé, et l’on se remet en général vite d’un accident. Il va falloir que nous payons pour les autres, et là que je suis plus d’accord. Les surprimes de nos assurances vont devenir hors de prix » (…/…)
|
|||
Médiatiquement parlant, les secours spéléo sont attractifs pour les chasseurs d’audimat. Par contre, est-ce la présence des caméras ou l’attrait des vacations qui font se déplacer en surnombre nos chers héros aux camions rouges ?
Tous ces problèmes, ces tensions, font peut-être perdre de vue le but premier des secours : secourir.
L’autre problématique qui secoue actuellement le milieu des sports dit à risque, c’est la loi qui rend payant les secours. Si le principe de gratuité des secours, instauré Napoléon, commença à être égratigné par la mise en place des secours payants sur les pistes des stations de ski, c’est l’ensemble des pratiques sportives de plein air qui aujourd’hui est visée (la loi est passée, mais pas encore le décret d’application).
|