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Spéléo Magazine 81

speleo8150 ans ! Ce n’est pas (encore !) l’âge de votre revue mais bien celui de la Fédération Française de Spéléologie (FFS). C’est certainement un moment crucial pour la vie fédérale ? Une période de questionnement sur la trajectoire à emprunter pour les années à venir. Quelle sera notre pratique souterraine ? Comment évoluer sans vendre son âme souterraine au diable (si ne n’est pas déjà fait) ? Même si la tanière de Dante se niche au creux de notre sous-sol. Comment concilier les tiraillements internes en fonction des sollicitations qui naissent au gré des rencontres, des envies, des opportunités, des humeurs du moment ; voir parfois des injonctions reçues en fonction des responsabilités prises. La conséquence la plus sereine est sûrement d’assumer ses actions pleinement, sans tricherie, sans faux semblent, le plus clairement possible en possédant une vision lointaine des choses (il existe de puissantes Leds !).

La spéléologie est un monde fermé. C’est une évidence. Et pourtant… c’est en la pratiquant que je me suis ouvert, par la force des choses, à de multiples rencontres humaines, à une grande variété de disciplines, techniques, scientifiques, culturelles et sportives. Le fil conducteur (la corde conductrice !) est, me semble-t-il, l’exploration. Chercher et découvrir des territoires inconnus, ici ou ailleurs, est un moteur qui ouvre des portes (porches).

Toutefois pour durer en « spéléologie » il m’est indispensable de pratiquer le « spéléisme ». Cette pratique aventureuse qui procure des suites de péripéties et de rebondissements. Elle constitue la trame d’une histoire naissante. On peut partager avec son voisin, comme un repère commun. Elle entretiendra ses capacités physiques, sa disponibilité mentale pour aller au-delà du connu. L’aventure est bien dans la tête de celui qui vit ce moment, ces instants.

De l’exploration du « trou de chiotte » à la conduite d’expéditions au fin fond de pays improbables, le lien, le fil, la corde, la Dyneema, qui nous relie tous, est bien l’ouverture vers d’autres horizons…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 80

Nous sommes souvent questionnés sur notre activité : pourquoi pratiquons-nous la spéléologie ? La réponse, certes lapidaire, est par plaisir, pour l’exploration et sa jouissance. Souvent on en bave… On en ch… En nous exprimant à travers le mot plaisir, ne commettons-nous pas une -erreur d’interprétation? Qu’est ce qui nous pousse alors à parcourir le dessous de la Terre ?

Ne nous rendons-nous pas dans les cavités parce que notre moteur interne qui nous motive est le désir plutôt que le plaisir ?
Entre le plaisir et le désir, deux mots qui semblent identiques mais qui sont opposés même si parfois ils se rencontrent, tout en nuance. Nous n’allons pas sous terre quand même pour le plaisir (!). Provocation répondrez-vous ? Que nenni… Le plaisir est chez l’homme une sensation agréable et recherchée. Le désir est une tendance -devenue consciente, qui s’accompagne de la représentation du but à atteindre et -souvent d’une volonté de tout mettre en œuvre pour réaliser ce but. Comme dirait l’autre « l’objet de notre désir est le monde souterrain dans sa totale ­diversité »…

Une nouvelle fois, Spéléo magazine -termine l’année et commence l’hiver en mettant à l’honneur une matière éphémère mais néanmoins esthétiquement -merveilleuse : la glace. Elle est proposée ici dans sa diversité : du moulin de glace au glacier souterrain. Elle passe également par un anniversaire. J’ai même la fâcheuse impression que nous l’avons oublié. Il y a déjà (ou tout juste, c’est selon) 50 ans que débutèrent les aventures hors du temps et la découverte -fondamentale de l’horloge biologique par Michel Siffre qui fera de lui et malgré lui une référence spéléologique auprès du grand public après Norbert Casteret.

Mais cette eau figée, disparaîtra-t-elle un jour de notre planète ? Nous pouvons le penser au regard des indicateurs sans cesse de plus en plus nombreux qui nous sont mis en exergue par
nos scientifiques et le dernier royaume, où l’on pourra certainement contempler cette matière, sera le monde souterrain…

Bonnes explorations 2013
Serge Caillault

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Spéléo Magazine 79

Lapalissade aurait très certainement exprimé que sans lumière, impossible de progresser sous terre d’où en découle cette évidence : il est important de bien voir !

Nous avions l’éclairage acétylène, pas encore totalement disparu de la panoplie du spéléologue, certes, mais qui tend à disparaître peu à peu sauf pour certains irréductibles qui préfèrent une lampe à carbure qui se coince dans chaque anfractuosité où la flamme vacillante reste aléatoire à chaque pas, à chaque courant d’air, à chaque choc, à chaque goutte d’eau. Pour être bref, « un truc qui ne marche jamais mais qui néanmoins procure un semblant de chaleur et de luminosité monochrome à tendance rougeâtre certainement rassurante » aux nouvelles lampe à Leds dont la simplicité d’utilisation se résume à l’interrupteur « On » et « Off ».

Toutefois et comme à chaque nouvelle technologie, son lot de bricoleurs ­ « Géotrouvetout » proposent un produit plus performant que le précédent ou que le voisin comme une course permanente à recherche de la plus « grosse » ! Pour moi, la question demeure, en dehors d’une température de couleur proche du soleil et qui s’approche de notre angle de vision, qui consiste à savoir : faut-il voir de plus en plus loin ou de mieux en mieux ? Les deux me direz-vous… OK, mais alors, et c’est l’expérience qui parle : quand au cours d’une exploration souterraine, vous recevez une multitude de flashs intenses, tels des éclairs dans la cornée à la limite de la lésion irrémédiable, qui vous aveuglent à chaque fois que vous interpellez votre camarade du jour ; je vous assure que vous terminez votre randonnée passablement énervée en pestant contre celui (ceux) qui ne maîtrise (nt) pas la bienséance, donc la technicité du produit qu’il (s) porte (nt) sur le crâne et qui consiste à régler son spot quant on s’adresse à son voisin.

Voir bien et mieux tout à fait d’accord, mais pas dans l’aveuglement du toujours plus. Cherchons maintenant à gagner en poids et en autonomie… Quant à la chaleur de la flamme, elle est judicieusement remplacée, par des textiles de plus en plus performants, de plus en plus confortables, de plus en plus légers…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 78

Lors d’une récente conversation, la notion de « perception de la caverne » m’interpelle. Cette notion m’ouvre les portes à de ­multiples cogitations et réflexions ! Quelle est, à ce jour, ma perception de la grotte, de cet univers dans lequel j’officie avec joie et délectation…

La notion même de perception ne peut se comprendre qu’à partir de nous-même, de nos besoins, de nos valeurs. « Je vois le monde comme je suis », disait Paul Éluard, « et je ne le vois pas comme il est ! » Bref, le monde perçu est le reflet de nous-mêmes. Il agite nos joies et nos angoisses, ­rassemble nos préjugés. Il n’est ­certainement pas le monde objectif de la science !

À un niveau purement élémentaire et pour paraphraser Henri Bergson (philosophe) « c’est bien la grotte qui attire le ­spéléologue ! » Et le spéléologue y laisse des traces… Je pense aux fresques laissées par nos ­ancêtres préhistoriques à la grotte Chauvet. De véritables œuvres, inestimables qui ­méritent dès à présent et sans hésitation le label de patrimoine mondial de ­l’humanité. Je pense également, et sans commune ­mesure bien évidemment, aux signatures laissées par nos pionniers spéléologues : Martel, De Joly, Casteret… qui, quand nous les trouvons au détour d’un recoin, ­provoquent en nous des effluves de ­bonheur. Je réfléchis aux griffes, apposées sur les parois, de nos contemporains qui me laissent, en les observants, un arrière-goût amer. Pourquoi s’octroient-ils le droit de souiller notre environnement et en même temps est-ce une question d’époque, de temps ? Dans cent ans, ces graffitis n’auront-ils pas autant de valeur sentimentale que ceux de nos aïeuls ? Je ­revois aussi les peintures de Jean Truel ­inscrites (à jamais) sur les flancs de la ­traversée de Bramabiau, aux confins des ­Cévennes, où le sentiment d’incompréhension, voir même de profanation me ­submerge, m’autorisant toute forme de sentence à l’encontre de cet être qui a osé. Telle est ma perception ; sensible, naturelle et spontanée, vécue au contact des choses…

Bonnes explorations…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 77

L’exploration se fait de plus en plus difficile en France … mais les découvertes sont-elles aussi rares que cela ? Il faut être perséverant, tenace, garder espoir en toute circonstance même après de nombreuses séances de désobstruction ; quand un infime courant d’air, à peine perceptible nous tient en haleine ! Avec un déterminisme sans faille…

Je n’ose aborder le sujet des séances de prospections à travers le territoire. Tout semble parcouru en long, en large, et en profondeur. Il faut bien du courage, voire un brin de folie pour poursuivre dans cette quête de nouveau, de vierge, d’intact, de personnel, voire de « pur ». De tellement pur qu’il est parfois bien difficile d’échanger avec les autres.

Une fois mise à jour, que faire après le plaisir inoubliable de la première ? Amnistier ou partager dans un monde qui prône l’individualisme? Garder égoïstement ou offrir exclusivement ou convivialement cette parcelle de sous terre ? Publier ou pas ? Avec la possibilité, un jour ou l’autre, d’une redécouverte. Cet acte sera alors vécu comme un sacrilège, comme une profanation, comme un crêve-coeur… Fatalement ! Cruel dilemme qui renvoie à notre propre déontologie : quelle éthique adopter ?

Une autre option consiste, au contraire, à organiser des manifestations médiatiques auprès de ses confrères, auprès du grand public et exhiber nos savoir faire, nos passions et nos envies toujours renouvelées de se faufiler dans les arcanes de la Terre avec l’exaltation du partage.

C’est l’époque des élections nationales, de prime abord suivies aussitôt des olympiades souterraines… C’est le moment pour les « critiqueurs de tous poils » d’effectuer un acte fédéral et citoyen en accord avec leurs principes. Je ne puis, à cet instant, m’empêcher de partager avec vous cette phrase du célèbre alpinisme Walter Bonnati : « l’héroïsme aujourd’hui ? Ce serait plutôt de rester soi-même, de ne pas renoncer à être un individu, et un individu honnête… » Cela devrait être universel… N’est-ce pas ?

Serge Caillault

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