Spéléo Mag 68
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Spéléo Magazine 86

C’est la fin des départements français… Tel est l’annonce faite, il y a peu, par notre gouvernement actuel. Cette annonce choc a, je crois un objectif : mettre fin au millefeuille territorial spécifique à la France et donc réaliser des économies. C’est supprimer un échelon et éviter les doublons administratifs. C’est garantir ­normalement plus d’efficacité pour un meilleur service auprès du citoyen.

Vous allez me dire, oui et alors ? C’est si loin de nos préoccupations souterraines ? Eh bien, cela a été un big bang dans ma tête, quand j’ai (enfin) compris que cette réforme institutionnelle touchera également notre petite vie de spéléologues locaux ou départementaux. La conséquence est me semble-t-il, si j’ai bien compris, la fin également de nos Comité Départementaux de Spéléologie !

La réforme fait émerger deux piliers, les régions et les intercommunalités. Les départements seront voués à devenir une entité géographique et culturelle ­dépourvue de pouvoirs. Fini les présidents de CDS et autres bureaux sur lesquels on pouvait se référer pour recevoir des subventions, partager nos premières, râler sur la dernière décision de la fédération, discuter technique ou équipement fixe, que sais-je encore !

l’État fixe même des limites : le 1er janvier 2017, la loi établira une nouvelle carte des régions qui n’auront pas fusionné spontanément. En complément, une nouvelle carte intercommunale, « correspondant aux bassins de vie » sera mise en place pour 2018.

Cela veut-il dire qu’il n’y aura plus de bulletins départementaux qui retracent la vie et les découvertes du spéléologue ? Il y aura-t-il alors des ouvrages « intercommunaux » ou régionaux ou pourquoi pas par massifs karstiques ? Tout cela nous éloigne du terrain, peut-être, mais nous devons néanmoins rester vigilants pour que notre pratique sportive (de plein air) et scientifique ne soit pas entravées par de ­nouveaux « petits barons politiques » et que l’intelligence l’emporte…

La période estivale est là. Concentrons nous sur nos futures explorations…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 85

Depuis des années les stations de ski sont engagées dans une fuite en avant : elles construisent toujours plus pour assurer leur fréquentation. L’hiver se termine, la saison de ski également. Les lapiaz se libèrent de leur gangue de neige. Pour les entreprises vivant du sport d’hiver, le repos est de courte durée. C’est le moment de reprendre de nouvelles activités : agrandir le domaine skiable… Au détriment bien entendu du paysage naturel, avec pour conséquence des dégâts irréversibles sur le karst.Combien de gouffres et glacières ont été irrémédiablement bouchés en toute impunité et donc perdus. Des exemples foisonnent sur les massifs de la Pierre-Saint-Martin, du Vercors, des Bauges, du Dévoluy, etc.

La commission du développement durable du Sénat a récemment rendu son rapport : « Patrimoine naturel de la montagne : concilier protection et développement ». Il tient compte d’une évolution des mentalités et des nouvelles contraintes climatiques et économiques. Il se présente (malheureusement) sous la forme d’une énumération de propositions qui ne permet pas d’élaborer des orientations globales pour une politique de la montagne (du karst). Il précise néanmoins pour l’eau en montagne qu’au-delà d’une abondance apparente, il existe un risque réel de raréfaction. Des outils existent comme le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) pour assurer la cohérence des usages de l’eau, notamment au regard de la neige de culture (Proposition 37). S’assurer que les études d’impacts prennent en compte tous les problèmes liés à l’environnement notamment au regard des paysages (Proposition 38).

Tout cela pour dire notre conviction que ce patrimoine karstique est bien sûr la propriété des populations qui y vivent et y travaillent mais peut aussi être considéré, par sa richesse exceptionnelle, comme un bien appartenant à tout un chacun. En ces temps de reprise des travaux, ce rapport ne changera pas la face des choses à court terme. Il

montre cependant que nos idées concernant la richesse de notre patrimoine souterrain se diffusent dans l’esprit des élus. C’est un encouragement à continuer, sans cesse, notre travail… de prise en compte de notre activité sportive et scientifique…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 84

J’assistais dernièrement à une rencontre citoyenne de la montagne (de la spéléologie !) dont le thème était « n’est-ce pas le propre de l’Humain d’aimer flirter avec le risque ? ». Notre société est tentée par le principe du « risque zéro » et de son corollaire le « principe de précaution ». Si, au premier abord, l’absence de prise de risque semble séduisante, la réflexion aide à douter de cette réalité. L’Homme aime le risque ! Mais alors pourquoi l’être humain aime-t-il tant le risque ? Une vie sans risque est une vie fade. Vivre dans un monde sans risque reviendrait à vivre dans un monde sans plaisir, sans succès, faire de sa vie une histoire sans dimension…

Le risque est généralement synonyme de dépassement de soi. Et le fait de prendre conscience que l’on progresse, que l’on est utile, est aussi protecteur du stress. Il semble donc important de légitimer une certaine prise de risque. Il ne s’agit pas de prendre n’importe quel risque, bien entendu, mais de ne pas se priver de cette épice de la vie. Celui qui va partir en spéléologie avec les pires conditions météorologiques imagine avant tout qu’il reviendra vainqueur. N’est-ce pas ?

L’être humain aime d’autant plus le risque qu’il est optimiste. L’optimisme aide à transformer les soucis en défis ; il aide à prendre certains risques. L’être humain tirera aussi du plaisir à réussir là où le risque est important. C’est peut-être ce qui va le pousser à récidiver dans la prise de risque ? Le spéléologue (l’alpiniste) qui a réussi un exploit va vouloir certainement recommencer. La prise de risque est nécessaire pour vivre. Elle responsabilise. C’est le droit de vivre. C’est un élément formateur de la personne, une expérience sensorielle et physique, une affirmation narcissique, une forme de sécurité personnelle. Par conséquent, n’y a-t-il pas un vrai danger de chercher à nier la prise de risque ? N’est-ce pas un reflet contradictoire de notre société ? N’est-ce pas plus sain de chercher à canaliser la prise de risque ? En sachant toutefois que celle-ci est fondamentalement différente du danger…

Bonnes explorations 2014

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 83

Au détour de discussions, quand vient le sujet de la pratique de la spéléologie, Il s’avère bien difficile de lutter contre un cliché, bien établi par nos concitoyens, à savoir que les grottes, le monde souterrain en général, se résument à un boyau infâme enduit de boue collante où la claustrophobie est la résultante de cet environnement décrit bien souvent avec une moue de dégoût !

Mais pourquoi n’arrivons-nous pas à ­inverser cette vision rébarbative du gouffre, de la grotte ?

Seule, la passion du spéléologue peut inverser la tendance de cet échange oscillant entre information et communication. Entre la réserve bien ­naturelle du spéléologue et l’exhibition de sa passion sur « grand écran »… Il y a un dédale souterrain à franchir. Et pourtant l’histoire de la spéléologie est la somme de toutes les histoires vécues par les spéléologues. De biens belles et vraies histoires. Peut-être, nous manque-t-il aujourd’hui quelques écrivains « à la Casteret » qui changea de par ses textes bien des images négatives des cavernes et des hommes qui les foulent.

Cette année a été la fête de la découverte des deux plus prestigieux ­gouffres de notre territoire : le gouffre Berger, premier –1 000 de notre histoire et le gouffre de la Pierre-Saint-Martin avec la découverte de l’immense salle de la Verna. C’était il y a 60 ans !

Eh aujourd’hui me direz-vous, sans un brin de malice ? L’exploration est plus ingrate, plus difficile mais procure toujours autant de satisfaction personnelle à qui la pratique. Mais pas seulement, les gens se jugent parce qu’ils irradient. Cette mise en exergue de notre activité peut, je crois se résumer par : tout l’art de la mise en valeur de l’univers souterrain repose sur la capacité du spéléologue à se jouer de la lumière, à la modeler afin de valoriser son sujet, son décor, à s’exprimer sur le mode de la délicate poésie, par exemple. L’étymologie du mot manipulation est conduire par la main…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 82

La météo a-t-elle perdu la tête ? Vivons nous des épisodes de dérèglement climatique ? Subissons nous des variations climatiques à amplitudes intenses ? Nous dirigeons nous vers un temps à l’anglo-saxon ? Le beau temps fait-il grève ? Que de questionnements, en ces premiers jours d’été où il faut ronger son frein pour enfin débuter, les prospections sur nos lapiaz, les explorations de nos montagnes et parcourir nos rivières souterraines.

La neige n’a jamais été aussi abondante que cet hiver. Par endroits il y a eu plus de dix mètres cumulés ! Actuellement remplacé par un temps pluvieux qui n’en finit pas, sans grande chaleur… Les cavités sont en crue, je n’ose dire inonder au regard du réseau de la Luire (Drôme) qui a crevé deux fois cette année. C’est déjà très exceptionnel que le réseau déborde (plus de 20 m3/s) une fois tous les cinq ans !

Restons optimistes. La variabilité naturelle a déjà existé. Quand on s’intéresse à l’histoire de la météorologie depuis le début du XXe siècle. Bien avant le discours entendu sur le réchauffement climatique, on assistait déjà à des orages violents, voire plus virulents que ceux que le sud-ouest de la France vient de vivre (grotte de Lourde). Notre pays a même connu deux tornades, dévastant tout sur son passage ! Mais peut-être assistons-nous, cette année, après trois ou quatre années de sécheresse ou de déficit en eau, à un effet de régulation climatique ?

Les phénomènes climatiques que nous vivons (subissons) nous offrent quelque chose d’important, je crois, c’est la modestie face aux éléments naturels ; assurément quelque chose de plus précieux encore que la modestie : la simplicité. Cette simplicité qui lutte en permanence contre notre orgueil, voir plus, contre notre vanité, entretenue à son paroxysme par notre civilisation occidentale.

Aujourd’hui, la science météorologique est relativement fiable à sept ou huit jours. Cela devrait pouvoir nous rassurer et anticiper la montée des eaux pour les explorations estivales. Cela n’empêche pas d’équiper les obstacles hors crue…

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